C’est toujours étrange ce sentiment bizarre que l’on a lorsque l’on revient souvent au même endroit en voyage… Ailleurs, mais pas tout à fait…. Après un certain temps, on commence à prendre ses références, et de se sentir « somewhat » à la maison…. Je vous en parle un peu plus…
Çà fait maintenant 12-13 ans que je promène ma valise et mon sac à dos entre les pays. En premier lieu la France que j’ai visité en long et en travers pendant des années, puis le Vietnam, le Cambodge et le Myanmar lors d’un voyage initiatique de longue durée, et maintenant en Afrique, ou je me suis promené au fil des années à travers une dizaine de pays…. Sans compter quelques explorations par ci par là. Mais malgré ces voyages et ses moments, je ne suis certainement pas la personne qui a le plus voyagé et qui passe le plus de temps en avion. J’ai parmi mes amis, et vous en connaissez aussi surement (et peut être même vous), une quantité de gens qui passe beaucoup plus de temps à bourlinguer par le monde, que ce soit pour le travail ou pour les loisirs.
Le tourisme international, les expériences mondiales et les voyages d’affaires ont explosé au cours des 10 dernières années, et on le voit bien. Mais une chose que je vois, c’est que ces voyageurs perso ou pro sont souvent que « de passage ». Ils sont là pour « faire ce qu’ils doivent faire, que ce soient les rencontres, les rendez-vous, les visites, les « 10 choses à voir ou à faire » …. Ils sont là pour faire et trop souvent s’assurer que les autres te « vois faire ». Donc, oui, les vidéos, les photos léchées sur instagram, les vidéos de voyage sur youtube, les « live sur twitch » et les « podcast motivants des penseurs-motivateurs »…. Oui tout cela fait partie de la vie réelle, et même moi, « le coach voyageur » je ne m’en sors pas, je dois aussi « jouer cette partie pour exister dans sphère médiatiques ». Car en fait, cette mouvance ou « tous doivent être vedette pour exister » fais partie des nouvelles règles d’affaires. Les gens « drabes » et « ordinaires » deviennent moins intéressants, et on s’en lasse vite pour passer à la prochaine « vedette instantanée du web » du moment.
Mais si j’en parle aujourd’hui c’est qu’après un certain temps à un endroit, alors que les feux de la rampe, l’excitation de l’arrivée, les « yeux pétillants de rêves et d’images » et la « célébrité éphémères des voyageurs » passent, il y a une phase qui se termine, une page qui se tourne. En vrai, après un temps passé dans la vraie vie, on se rend compte qu’au-delà des images et des rêves, il y a des vraies gens des vrais humains qui vivent la vraie vie. Et c’est à ce moment que le voyage devient vraiment intéressant. C’est à ce moment que l’expérience humaine fait la différence.
Je vous écris ici, je suis à Abidjan ou j’ai vécu il y a bien longtemps dans une famille que j’ai retrouvée il y a 3 ans, juste quelques mois avant les confinements de la pandémie. Quel bonheur de me retrouver ici, avec eux et de revivre l’histoire de « Toto » dans le film « Cinéma Paradiso ». En fait, j’ai écrit les retrouvailles lors d’une autre chronique que vous retrouverez en cliquant sur ce lien.
Et maintenant, bien que nous ne nous sommes pas vu si souvent que cela, j’ai gardé contact avec eux, ainsi que mes nouveaux amis ivoiriens que je côtoie depuis maintenant 3 ans régulièrement. Nous avons vécu les victoires, les défaites, les joies, les déceptions, les frustrations liées à leur vie. Et en fait, avec eux, je ne suis plus le touriste canadien, je ne suis plus le business man qui vient pour des rencontres business, pour faire du business, et développer du business…. Je suis maintenant plus que cela, je suis un « ivoirien », ou plutôt un africain à la peau blanche, qui commence à se sentir chez lui dans le brouhaha bien abidjanais, les trous dans les petites routes, les retards et les délais dans les rendez-vous, la notion tout approximative du temps, propre à l’Afrique. Même ici, au son des klaxons et la circulation, je commence à me sentir chez moi.
Je le disais à mon frère Rolland hier dans la voiture sur la route comment ces odeurs me revenaient à la mémoire… Et ces moments avec Guy Roselin le garçon que j’ai vu naitre en 1989 et qui est aujourd’hui papa à son tour de Paul Hylian ou l’on préparait les achats de la cérémonie d’accueil dimanche prochain. Une cérémonie tellement importante pour lui et pour la famille. Un hymne à la vie, l’accueil dans la société, et fête de la sortie officielle de la magnifique maman Naomi.
En marchant dans les allées du supermarché, je sentais la « vraie vie » et la vie normale, pas celle d’Instagram, mais celle de la vie. Je commence à sentir Abidjan, revoir les odeurs que je connais, le diesel des voitures, la cuisson à l’huile, l’alloko qui grillent dans les maisons, l’odeur de la sauce graine qui bouille, toute ces odeurs qui deviennent tranquillement une partie de la maison. C’est ainsi que je suis ici pour vivre en famille, écouter les nouvelles de la vieille qui dors devant la télé, de parler de retraite avec mes frères, de parler de travail avec les plus jeunes, de vivre les fêtes familiales, de prendre des nouvelles du village…. Je suis surtout ici pour vivre cette maison ivoirienne, cette famille ivoirienne.
Donc, la vraie vie, celle des enfants qui naissent, celle des gens qui décède, celle de ceux qui travaillent dur, et celle de ceux qui sont à la retraite. La vie des parents qui veulent offrir une meilleure vie à leurs enfants, celle des jeunes qui aspirent à mieux et qui veulent réussir, des professionnels ambitieux qui veulent monter dans l’échelle sociale, et celle des dirigeants bien établis qui veulent garder leurs acquis…. La vie de ceux qui ont des certitudes et de ceux qui ont des doutes et des questions. Ceux qui décident ou qui veulent décider de leur vie….
Enfin tous ces gens, qu’ils habitent à Abidjan, Paris, Montréal, Toronto, Washington, Casablanca, Tunis, Libreville Shangani, Moscou ou Kyiv… C’est la réalité de tous ces gens qui nous ressemblent… Et qui sont souvent bien loin des images « instagramables », ou des post LinkedIn ou tout le monde est fantastiques et wonderfull!
Et finalement, un mot spécial pour nos amis, MES amis marocains qui ont vu leur monde s’écrouler en 10 secondes de terreur. Ces gens de la vraies vies ordinaires, qui ont tout perdu, y compris leur vie pour un grand nombre. Je prie pour vous mes amis et vous donne toute l’énergie possible.
« Allah yakun fi eawnikum ya ‘asdiqayiy »
Car en fait c’est aussi cela la vie… les naissances et les décès…. Les bonheurs et les malheurs.
Stéphane
Le coach voyageur