Chronique d’Amsterdam Partie 2

En mai 2017, j’ai fait une visite éclair à Amsterdam. Voici la partie 2 de cette chronique écrite du moment!

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Chronique d’Amsterdam- Partie 2

Bon, me voilà au terme de cette virée aux Pays bas. Et comme je vous l’ai promis, je fais la petite suite sur mon post précédent sur les Hollandais. Je n’ai pas la prétention d’avoir tout compris en deux jours, mais voici ou j’en suis en ce moment !

Au fil des visites ici, j’en ai compris un peu plus sur les Hollandais et leurs évolutions. Sans tomber dans un cours d’histoire en détail, je dirais simplement que l’âge d’or des Pays-Bas a commencé en 1578 ou il y a abjuration de catholicisme, mettant fin à la guerre avec l’Espagne. Cette abjuration s’est faite dans une certaine cohésion (si cohésion il peut y avoir lorsque qu’on fout à la porte des milliers de religieux catholiques du pays). Mais en fait, on y note que peu d’événements sanglants. En tout cas, c’est ce que rapporte l’histoire hollandaise…

Mais, ces éléments ont permis au protestantisme pragmatique de prendre le pouvoir. Aux réflexions royales, et venues le pouvoir de l’argent. Ici, dès cette époque, tout est fait pour être un acteur économique influent sur le monde. Pas de sentiment ici, pas de système social. On y fait du commerce et c’est la loi du marché qui mène le monde.

Un peu d’histoire

Comme vous le savez, Amsterdam est construite presque exclusivement sur les pilotis. Tout comme Venise, son niveau est au-dessous du niveau de la mer. Et de plus, Amster est le nom du fleuve qui rejoignait l’océan et Dam signifie « barrage ». Donc Amsterdam est la « Ville construite sur le barrage du fleuve Amster » . Au centre de la ville où vous retrouvez le Palais Royal (qui en fait était l’ancien hôtel de ville d’Amsterdam), vous trouvez sous le palais, des restants des outils qui ont permis à construire ce barrage, il y a presque 1000 ans aujourd’hui). Mais sans aller dans le détail, parlons du siècle d’or des Hollandais, le 17e.

Ainsi, le 17e siècle, est le siècle des Hollandais. Ils fondent Cape Town en Afrique du Sud pour y commercer les bois rares et les animaux, New Amsterdam (New York) pour les fourrures, ils s’installent au Benin et au Ghana pour le triste marché des esclaves, aux Antilles et au Venezuela pour le sel, transige avec l’Iran pour la soie, le Yemen pour le café, l’Inde pour le coton et le poivre, la Chine et le Japon pour le thé et la porcelaine entre autres. L’Europe n’échappe pas aux dures lois du marché qu’imposent les Hollandais ; le vin en France, les baleines en Suède, le cuir en Russie…

De plus, ils s’installeront d’une façon très importante au Suriname (Amérique du Sud) pour y transiger le sucre et surtout en Océanie, ou les colonies hollandaises nourriront la métropole jusqu’en 1949. Les Philippines, l’ile de Java, le Sri Lanka, l’Indonésie nourriront la Métropole pendant des siècles. Pour bien comprendre aussi l’impact des Hollandais sur l’Océanie, l’Australie s’est appelée « Hollandia » au 17e siècle. Ils étaient partout.

Le côté pragmatique protestant des Hollandais leur a aussi apporté une discipline de fer, et une intransigeance renommée lorsque l’on parle des affaires.

Lorsqu’on parle des affaires, on dirait que ce sont eux qui ont inventé les lois du capitalisme tel que l’on le connaît aujourd’hui. voici quelques exemples:

Dès le 17e siècle, il y a une « bourse des denrées rares » à Amsterdam, ou les marchands de tous les pays, mais surtout Hollandais, décident et transigent les prix. Au début, les prix sont « arbitraires », mais rapidement les lois de l’offre et de la demande s’installent. Donc, déjà, la bourse moderne existe.

La « Tulipomanie » sera la première « bulle spéculative » connue. Ainsi, le bulbe de cette fleur rare, négociée exclusivement par les Hollandais de par le monde, atteindra dix fois le salaire annuel d’un artisan spécialisé. Cette bulle spéculative atteint son paroxysme en 1637.

Parlant de la Tulipe, ce bulbe est issu de l’Empire ottoman. Ainsi, les Hollandais ont été les premiers à « imposer des mesures d’exclusivités de la vente » connue actuellement. Les Ottomans recevaient une belle part du prix des bulbes, ce qui décourageait les marchands ottomans de faire affaire avec d’autres nations. Et comme les autres nations étaient technologiquement en retard, ils arrivaient toujours second. 

Très rapidement, les « tulipiers » hollandais ont développé leurs propres variétés beaucoup plus belles. Donc, lorsque les Ottomans voulurent vendre aux autres nations, qui étaient maintenant prêt à le faire, les bulbes hollandais avaient toujours une valeur plus importante. Les Ottomans ont perdu le marché aux Hollandais.

Parlant d’exclusivité, les Hollandais avaient négocié avec le roi de l’ile de Neye en Océanie l’exclusivité sur la noix de Muscade. Ayant appris que le roi avait vendu à d’autres, ils sont tout simplement tués tous les adultes et déportés les enfants sur d’autres iles maitrisées par les Hollandais. La carotte est douce pour ceux qui suivent les lois hollandaises, mais le bâton est sans équivoque.

À ce sujet, pendant presque deux siècles, la « VOC » la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales (ou la Vereenigde Oostindische Compagnie) sera la compagnie privée la plus puissante de la terre. De 1602 à 1799, elle pilotera l’ensemble des tractations en Asie pour les Pays-Bas. Elle sera même propriétaire à part entière d’un pays, l’Ile de Java alors que le Roi de l’époque a raté une révolution sur l’Ile. En guise de représailles, le roi, contrairement à ce qui avait été promis a été incarcéré et est mort dans sa cellule 12 ans plus tard.

Mais comme tous les pays, elle a vécu ses coups de Trafalgar. En 1795 la Révolution française embarque avec elle les pays bas. Plus tard, Napoléon nomme son neveu Louis, Roi des Pays-Bas, qui amorcera des travaux majeurs partout dans le pays. Napoléon se nourrira du trésor de guerre des Hollandais, et interdira le commerce avec les nations en guerre avec la France. Finalement, le système économique s’effondre et en 1813, les Pays-Bas sont un pays au bord de la faillite.

Il faut dire que pendant ce siècle alors que les autres nations sont gouvernées par des rois, aux Pays-Bas, c’est une administration privée. En fait, les pays sont dirigés par des « bourgmaster » qui sont élus par leurs pairs pour un mandat de 2 ans. En fait, pendant 200 ans, la Hollande était gérée comme une compagnie privée par un Conseil d’Administration. Il y avait bien un gouverneur, mais le gouverneur ne s’occupait pas des affaires courantes du pays. Plus tard, ce gouverneur est devenu Roi

En 1900, Amsterdam est une ville surpeuplée, sale, et la Hollande est l’un des pays les plus pauvres d’Europe. De vastes travaux se mettent en branlent, toujours financé par des armateurs privés qui ont fait fortune dans le chemin de fer en Amérique… (comme par hasard…), dans les assurances en Grande Bretagne et dans le bois en Russie.

Aujourd’hui

Les Pays-Bas furent les premiers à légaliser les drogues douces, la prostitution en 1976.
En 1988, Amsterdam est la première ville à offrir internet à tous ses citoyens.
En 2001, le premier pays a légalisé le mariage pour tous.
Les innovations sont nombreuses et fleurissantes. Quelques noms de compagnie Hollandaise, connues ou pas, et vraiment présentes dans nos vies.

Unilever, (joueur mondial dans l’Agro-alimentaire avec des marques comme Lipton, Ben 7 Jerry avec 400 marques à travers le monde, compagnie privée avec un chiffre d’affaires évalué à plus de 8 milliards d’euros), Phillips leader de l’électronique, toujours privé, Henekein, Tom Tom, Booking.com et bien d’autres

Aussi des produits qui sont partout, et même les spéculos…

Les Pays-bas ont été dans les pays fondateurs de l’OTAN, de l’Union Européenne. Comme avant, si tu veux survivre, tu dois faire du commerce et te faire des amis puissants.

Mon 2 cents

C’est intéressant cette histoire. Autant que la Hollande est, et a toujours été une terre d’accueil pour tous les opprimés de la terre (les protestants, les juifs, les musulmans, les gays, les noirs après l’esclavage, les y compris les réfugiés syriens aujourd’hui), autant ils sont coupants et intransigeants lorsqu’on parle d’argent. Tu viens ici, tu seras bien reçu. Mais comme je le disais, tu dois trouver ta pitance et créer ta vie. Autrement, tu repars d’où tu viens… Sans procès, ni révolutions, ni manifestation. Tu fais ce qu’ils faut pour rester ou tu quittes. C’est clair et sans équivoque.

Aujourd’hui, je vois bien ce paradoxe même dans les plus petites affaires de la vie. Ici le prix est le prix. Et bien sûr c’est assez cher, même à l’extérieur d’Amsterdam. Donc pour vivre ici, il faut que tu gagnes ta vie. Personne ne peut t’aider. En d’autres mots, peu importe ce que tu crois et qui tu es. Si tu rapportes à la communauté, tu es le bienvenu. Si tu ne rapportes rien, on te dira gentiment de quitter.

C’est intéressant de voir qu’ici, pays de tolérance, la mendicité n’est pas permise. J’ai vu un gars faire la manche. Visiblement il était saoul. Bien, quelques minutes plus tard, deux policiers l’ont escorté très gentiment, sans violence et sans paroles fortes. Mais un ton sans équivoque qui ne prêtait pas à la négociation ou la discussion. Clair, ferme et précis.

Aussi, bien que l’alcool soit permis dans les parcs et dans la rue, je n’ai vu que très peu de gens un peu déplacés. Comme l’alcool et la drogue font partie de la vie, il semble que personne n’en abuse à outrance. En tout cas, pas publiquement. Et j’imagine que si les bornes sont dépassées, j’imagine bien que le bâton sera aussi sévère. En observant le musée d’Amsterdam, j’ai vu le nombre de dissidents qui ont pris la parole. Et bien sûr, il y a eu au aussi des épisodes de répression importante, mais comme par magie, il semble que la « révolution ne colle pas ici »

Les Pays-Bas n’est pas non plus le paradis sur terre, et les Néerlandais ne sont pas des dieux parfaits. Mais ils apportent une couleur différente dans notre monde. Et bien que je n’aie pas de « gènes néerlandais » en moi, et qu’il me serait difficile d’être aussi « pragmatique » qu’eux, je crois que je les aime bien.

Et finalement, si vous comptez y venir, je vous invite à le faire. Par contre, à moins que vous ayez un intérêt pour la « Marie-Jeanne », ou les « Maries à poils derrière une lumière rouge » ou les « Maries blondes aux yeux bleus qui vous drague », je crois que 2 à 5 jours est amplement suffisants. Comme je n’ai aucun intérêt dans aucune de ces Maries, je quitte la ville, heureux de mon périple. J’espère que ce petit journal vous a permis de faire le voyage avec moi.

Ciao ciao

Stéphane