Amy et Nat- les voyageurs

Un des aspects sur lequel je n’ai pas encore parlé et qui fait bien partie du voyage, ce sont les autres voyageurs.  Car eux aussi, ils sont des acteurs importants de cette aventure au Vietnam, comme dans tout voyage.  Et particulièrement lorsque l’on voyage seul, et que l’on fait le métier que je fais.  Ces autres voyageurs parcellent la route du « Soul Traveller » comme m’a baptisé Thuy d’Hanoi.  La vie du voyageur des âmes est remplie de rencontres éphémères et temporelles qui démontrent la diversité de l’humanité.  Aujourd’hui, je vous présente mes personnages du jour Nat et Amy.

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Voyageant dans un pays étranger, c’est toujours intéressant de voir comment les liens entre les étrangers se forgent rapidement ou pas. Un grand nombre de ces étrangers sont à l’extérieur de leur zone de contrôle, et doivent définitivement retrouver une certaine sécurité, créer des balises afin d’être en mesure de maitriser cet environnement étranger que nous ne maitrisons pas.  

Au fil des années, je me suis rendu compte de la force de ces rencontres.  Et certaines de ces rencontres sont définitivement plus marquantes que d’autres.  

Nous sommes au tout début de janvier 2017.  Jacynthe m’avait fait une superbe surprise.  Sachant que j’adore voyager et que déjà les jambes me fourmillaient, elle avait acheté par surprise pour le Mexique durant le temps des fêtes.  Donc, deux semaines, en mode « routard de luxe » et sans plan, sans itinéraire.  Juste une première nuit et le reste « on verra ».  Pour moi, c’était l’un des plus beaux cadeaux qu’elle pouvait me faire.  Juste partir à l’aventure.  C’était pour moi un apéritif de ce que je vis maintenant.

Ce fut un voyage vraiment super.  Dès le second jour, nous sommes partis à l’aventure, déterminant la veille ce que nous ferions le lendemain, mon vieux guide du routard en main.  Sachant que j’avais fait seul une aventure semblable 7 ans auparavant, je savais un peu à quoi m’en tenir.  Mais quand même, déjà uniquement au Mexique, j’ai vu comment le monde avait changé en 7 ans.  

Mais en cette journée du 2 janvier 2017, nous nous retrouvons dans un petit bled perdu de « Santa Helena » dans la vallée du Yucatán.  Une série de petits bungalow dès plus charmant, mais situé à plusieurs kilomètres dans la forêt mexicaine.  Vers la fin de l’après-midi. Nous voyons un couple qui parle anglais. Après quelques mots introduction, nous lançons l’invitation. 

« Hey neighbours, do you want to have dinner together? »  Ils ont accepté immédiatement.  

C’était le début d’une belle rencontre.  Une rencontre marquante.

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Lorsque l’on voyage et que nous sommes ouverts aux autres, ces petites rencontres magiques donnent de la couleur, voire de la vie aux expériences, car autrement, ce n’est qu’une série de lieu et d’endroit, des vieux bâtiments, des chutes, ou des paysages à couper le souffle.  Mais tous ces éléments restent éphémères, car ils seront très rapidement remplacés par d’autres souvenirs, tous plus intéressants et plus beaux à voir.

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Nous sommes au petit déjeuner à Hanoi lors du jour 2 du voyage au Vietnam en 2019. Nous sommes trois dans la petite salle de repas de l’hôtel à Hanoi.  Nous mangeons et rapidement Amanda nous interpelle moi et mon voisin dont je n’avais pas parlé encore.  Rapidement, on parle des lieux visités, d’où nous venons et ce que nous ferons. Amanda s’intéresse aux autres, elle discute, pose des questions.  Je sens qu’elle cherche ce contact avec nous.  Ces mots d’ouverture donnent le ton et mènent ou pas vers les rencontres. 

Suite à la discussion, j’apprends qu’Amanda, une Américaine de la Californie, revient des Philippines ou elle a passé un mois. 

Nous finissions par discuter beaucoup lors de cette journée et de la journée d’ensuite. Elle avait besoin d’aller à l’hôpital d’Hanoi et comme j’aime marcher, et que la zone où se situait l’hôpital n’était pas encore connue, nous avons marché tranquillement là-bas. Une fois rendus, nous sommes partis chacun de notre côté, pour nous retrouver plus tard pour un café.  Des petits moments ponctués de discussion sur la vie, sur l’avenir et sur les défis que représentent de vivre dans un monde où il faut faire constamment. Le jour suivant, Amanda rêve de moto dans les montagnes du Nord- Est de Ha Giang, près de la Chine, et moi je rêve de marche dans les montagnes de Sa Pa.  Ainsi, nous partons chacun de notre côté, avec notre petit bout de vie échangé. Nous nous saluons et en nous disant que l’on ne sait pas où la rivière nous mènera.

Vous me connaissez le coach en moi n’est jamais bien loin, pour le meilleur ou pour le pire.  Ce qui fait que les conversations légères m’ennuient profondément, et ce qui me motive c’est de comprendre et d’échanger véritablement avec les autres.  

Ce n’est pas intentionnel, c’est juste pour moi une nature d’être.  C’est d’avoir une seule vie en harmonie.

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Justement concernant le thème d’une vie, j’ai passé deux jours dans la baie de Lan Ha. Une baie magnifique, la petite sœur de la baie d’Ha Long.  En fait Ha Long signifie, le « dragon qui nage », et Lan Ha signifie le « petit dragon ».  Donc, je me retrouve sur ce petit bateau magnifique avec 5 autres personnes, Beth, Lindsay, Kirsten , Narz et notre GO un vietnamien dynamique et drôle Hai ou Rich selon son humeur, favorise les échanges.  

Nous avions un planning intéressant, rencontre sur le bateau, kayak, cours de cuisine, vélo et randonnée jusqu’à une caverne sculptée par l’eau.  Oui des activités des plus stimulantes, mais là encore, ce dont je me souviens le plus, ce sont les discussions.

Nous parlons de l’Inde ou Beth a vécu un bout de temps

Nous parlons de microbiologie ou Kristen travaille avec des bêtes mille fois plus dangereuses que les araignées dont elle a une phobie.

Nous parlons de la vie aux Philippines et de la grande différence entre les pauvres et les riches là-bas, et les milliers d’iles à visiter.

Nous échangeons sur la vie vietnamienne et les rêves de Hai qui un jour aimerait travailler sur les croisières de luxe et qui espèrent parfaire son anglais et se faire sélectionner dans des groupes prestigieux.  

Nous parlons de relations homme femme à la vietnamienne, ou ici, il faut se marier jeune, et qu’il faut beaucoup d’argent pour séduire selon lui.

Nous parlons de l’amour qui devient pour beaucoup une obligation de résultat et les difficultés de dire les choses sans blesser.

Nous parlons de la vie tout simplement.

Nous parlons de « l’être » et du « faire ».  Comment on passe beaucoup de temps à « faire » et on oublie souvent « d’être » dans ce tourbillon de la vie. 

Mais au-delà de tout cela, nous échangeons sur le fameux équilibre entre la vie des autres, celle attendue et celle que nous vivons. La vie pro et la vie perso dans certains cas…

Finalement le thème général est « One life », c’est-à-dire qu’il n’y a pas deux vies, une perso et une pro, pas de vie pour les autres et une vie pour soi. Une vie, tout simplement.  Et s’organiser pour que cette vie soit pleinement satisfaisante, et c’est justement cette vie, avec ce qui la compose qui fait ce que nous sommes.

Après ces deux jours, chacun a repris son voyage, son chemin, pour retrouver un bout d’existence plus riche, plus valorisant en amenant dans son bagage un peu plus des autres.  

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Lors du transport entre Hanoi et Lan Ha, je rencontre Steeve et Luc, deux Québécois qui sont ici déjà depuis presque trois semaines.  Ils ont monté du sud vers le nord à moto et ont parcouru les kilomètres avec un mélange de bus, et de moto.  Ils me parlent de leur rencontre avec un pêcheur sur la côte à qui ils ont donné un coup de main, des chutes de l’Éléphant (que finalement je n’irai pas voir, mais que j’ai vraiment pensé y aller). Ils me parlent avec passion de leur voyage échangeant photos, trucs et échange.

Ils me racontent les singes qu’ils ont vus sur une ile, des randonnées avec leur couple d’amis du Québec qui viennent d’arriver, Ghyslain et Claudine. 

Et eux aussi, après deux jours, chacun prend son chemin, en direction de leur prochaine étape.

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Dans le train entre Hanoi et Hué, Po, un Coréen arrive dans la même cabine que moi. Il arrive tard, car c’est un train de nuit, mais dès le début Po est en mode conversation.  Lui aussi cherche à entrer en relation, alors que moi, je le suis un peu moins.  Mais, rapidement, il cherche à discuter.  Il parle ni lit l’anglais, et je parle ni lit le coréen.  Mais soit, nous trouvons alors notre ami, « Google Translate » et nous commençons une discussion complète en silence, téléphone à la main, moi écrivant en français sur mon téléphone qui traduit en coréen, lui en coréen sur son téléphone qui traduit en français, ou en anglais selon la qualité de la traduction.  Une conversation de deux heures, en silence, mais ponctuées de sourire, de rire, de réflexions et de question.  Une conversation profonde entre coach.

Car Po est un coach exécutif comme moi, en Corée.  À 57 ans, il entame une nouvelle carrière, ou l’on se rend compte que le coaching est maintenant un job international, et que les réalités, les défis, tant des coachs que des coachés sont vraiment partout.  Nous partageons des réflexions sur la profession, discutons de nos approches.

Et finalement au petit matin, nous partons chacun de notre côté, question de continuer notre route.  Il part vers la Basilique, et je pars vers mon hôtel.

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Il y a Tom et Jones, un couple dans la cinquantaine de l’Alberta que je croise au café à la citadelle de Hué.  Nous parlons du Canada et de la nouvelle situation des travailleurs du pétrole en Alberta.  Tom vient d’être mis à pied après 20 ans dans la même compagnie.  Et ne voulant pas être déprimé à la maison, il a décidé sur un coup de tête de venir ici, au Vietnam, pour se refaire une raison de vivre. Jones, elle veut revenir d’ici deux mois afin de voir sa première petite fille naitre, mais visiblement Tom n’est pas près.

Nous parlons d’acceptation, de deuil, et de la suite qui se présente devant nous.

Après une petite heure de discussion, nous partons nous aussi chacun de notre côté.

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Des histoires de ce genre, j’en ai encore plein à raconter toutes aussi plus belles. Mais malheureusement, elles ne sont pas toutes jolies.  Oui il y a aussi les désagréables.  Pas tous ont la volonté d’entrer en relation avec les étrangers tant avec moi, qu’avec les locaux.  En particulier les grands groupes.

Je me souviens d’un groupe de Français dans le train vers Hue, ou certains s’attendaient à un service princier, sous prétexte qu’ils avaient payé 22 euros pour une place qui en vaut 2000 euros en France.  

Un couple de jeunes Québécois désenchantés sur une terrasse de Hué qui en avait marre de ce pays, qui se barraient le plus vite possible tout refusant d’accepter qu’ici, ce sont nous qui devons vivre comme eux, pas eux comme nous.

Un couple de Canadiens, qui vivant dans une sorte de bulle, refusant à toute autre personne d’y entrer, et prend toute tentative de discussion venant des locaux comme une agression à leur voyage.

Un groupe de touristes retraités russes qui se promenaient comme dans une brasserie dans les lieux sacrés en insultant les autorités vietnamiennes qui leur demandait d’être respectueux.  

Oui, nous comprenons que lors de ce type de voyage, tous sont là pour leur propre expérience, leur propre voyage.  Je comprends que la pire chose à faire en voyage est de projeter ses propres rêves sur les autres.  Chacun à son voyage sa route.  

Amanda me racontait qu’elle avait rencontré une femme qui avait voyagé dans 100 pays. Elle lui a dit que la pire chose à faire est d’entrer dans la « course au voyage ».  Il y aura toujours quelqu’un qui en fera plus que toi, qui vivra de meilleurs moments que toi, ou qui aura vu quelque chose que tu n’as pas vu.  Le plus important, ce n’est pas ce que les autres ont vu, c’est son propre voyage qui a de valeur, que ce soit dans un train, en voiture, sur la route ou dans son salon.

On a qu’une vie et c’est la tienne, pas celle des autres!

Sages paroles…

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Lors de cette soirée de janvier 2017, Jacynthe, Amy, Nat et moi, nous sommes engouffrés dans cette petite voiture de location et avons traversé le chemin cahoteux qui nous mènera au restaurant près de la grande route. Une discussion passionnée s’en est suivi, autour d’une table bien remplie.  Nous avons mangé et bu, dans un plaisir « bon-enfant », agréable et vraiment joyeux.  Nous avons ouvert chacun notre cœur sur ce qui nous motivait vraiment dans la vie, qui rendait la vie plus forte, plus magique.  

Nat nous raconta son métier de journaliste et les réalités de vivre dans une petite ville américaine.

Amy son amour inconditionnel pour son frère malade, et la nervosité du nouveau boulot qu’elle amorçait.

Jacynthe de sa passion de ses clientes, du groupe magique qu’elle forme autour d’elle chaque semaine, pour qui le tricot est beaucoup que tricoté, et d’être en communion avec soi et avec les autres.

Et surtout des plaisirs de la vie. 

Nous communions ensemble et nous décidons derechef de rester en contact pour toujours.

Déjà Sylvie, une coachée m’avait donné le goût pour un blogue de voyage. Elle écrivait déjà une newsletter lors de ses voyages à ses amis, avec une touche toute personnelle et unique, loin de la description factuelle des lieux et des endroits visités.  Nous vivions ses voyages avec elle.

Mais Nat a fait un pas de plus dans ce blogue, Nat raconte des histoires.  De belles histoires, ponctuées de rencontre, et de discussion.  Il raconte l’histoire de la femme qui a retrouvé son amoureux après 50 ans d’absence. Une magnifique histoire qui me marque. Pas uniquement par le sujet, mais par la beauté de l’écriture de Nat.

Alors, en cette soirée du 2 janvier 2017, est véritablement né dans ma tête ce blogue du « voyageur des âmes ».  Et comme je le dis souvent, entre l’idée et l’exécution, il faut du temps pour que l’idée murisse et pousse de terre.  Mais aujourd’hui, il existe et il grandira.

Et tout ceci, grâce à une rencontre magique, en plein milieu d’une forêt du Yucatán

Ciao a Bientôt

Steph